En direct de Londres


Actuellement en voyage à Londres pour affaires, j'ai du réduire mon rythme de publication ces derniers jours.

J'en profite néanmoins pour vous donner mon sentiment sur le moral dans la city.

Ce début de semaine a vu un rebond des marchés actions qui a été accueilli comme une bouffée d'oxygène.

Tout le monde veut croire que nous avons vraiment touché le fond la semaine dernière et que cette fois-ci il s'agit d'un vrai rebond durable, à la fois pour les marchés actions et pour le dollar.

Dans le même temps, les tendances "lourdes" (c'est à dire celles qui ne dépendent pas des aléas quotidiens du marché) commencent à se faire sentir dans les statistiques économiques et surtout sur le moral des intervenants.

Le krach immobilier est très redouté ici au Royaume-Uni, et le risque provient en particulier des nouvelles réticences des banques à prêter.

Pour Londres, on compte encore sur les richissimes acheteurs étrangers (c'est ce que les apologistes du modèle financier proclament) mais le compte n'y est pas.

Le Royaume-Uni, est après les Etats-Unis, le pays où l'endettement et la "financiarisation" de l'économie a été le plus important ces dernières années. Et la hausse de l'immobilier a été construite en grande partie sur de la dette, et non sur un accroissement réel de valeur.

Proportionnellement à la taille du pays, cette "financiarisation" est même encore plus importante qu'aux Etats-Unis. Le pays a vécu littéralement dans une bulle financière et médiatique, attirant main d'oeuvre étrangère et capitaux en profitant de ses avantages "intangibles" historiques : sa langue et son influence idéologique, pourrait-on dire.

Mais dans le nouveau contexte économique qui se profile, ces avantages vont rapidement se transformer en talons d'Achille.

Le capital (comme les jeunes travailleurs étrangers) qui afflua à Londres ces dernières années peut s'en aller aussi vite qu'il est arrivé, de la même façon que dans un pays émergent.

Certes il y a des avantages concret comme le cadre juridique et l'intérêt de la ville en termes de culture et de divertissement, mais avec la virtualisation sans cesse croissante de l'économie moderne, il y a beaucoup d'endroits aussi agréables et moins chers dans le monde pour mener un business.

Le pays, qui est dans un état morose, se rend compte qu'il a mangé son pain blanc, et donne l'impression d'avoir la "gueule de bois" suite aux années Blair, qui se sont avérées, à bien des égards comme des années d'auto-promotion en décalage avec la réalité matérielle (services publics, infrastructure, et industries en ruine)

A l'inverse, l'Allemagne qui n'a pas connu de bulle immobilière et s'est réformée douloureusement et efficacement durant les dix dernières années, possède une infrastructure et
une économie équilibrée (notamment son offre industrielle) et conserve sa foi dans une économie "régulée" loin du capitalisme sauvage et de ses excès financiers.

Ne s'agirait-il pas de la revanche du "capitalisme rhénan", face au modèle anglo-saxon ?

Et la France, me direz-vous ?
Il semble que Nicolas Sarkozy soit "culturellement" plus attiré par le clinquant anglo-saxon que la robustesse tranquille du modèle rhénan.

D'où l'interrogation : les réformes "Sarkoziennes" en suivant le modèle anglais, ne vont-elles pas jeter le bébé avec l'eau du bain, et précariser davantage le tissu économique français au détriment des réussites industrielles et des emplois stables ?

Malgré la vogue sans fin des "déclinologues" en France, et malgré la focalisation sur les "infâmes" 35H (humour), il ne faudrait pas oublier les réussites du modèle français : des services publics et des infrastructures reconnus dans le monde entier mais aussi une main d'oeuvre parmi les plus productives grâce à son niveau de qualification et au grand degré d'automatisation des entreprises françaises.

Affaire à suivre...