A propos de l'inflation

Comment se chauffer aux billets de banque... (Allemagne, années 20)

Un texte ancien d'un étonnante actualité (je vous dirai ensuite qui l'a écrit)

"L'inflation, l'impression de papier-monnaie supplémentaire et l'expansion du crédit sont toujours intentionnelles : elles ne sont pas des actes de Dieu qui nous tombent dessus, à l'image d'un tremblement de terre. Quelque important ou pressant que puisse être un besoin, il ne peut être satisfait que grâce aux biens disponibles, à l'aide de biens produits grâce à la réduction d'une autre consommation.

L'inflation ne produit pas de biens supplémentaires, elle ne fait que déterminer combien chaque citoyen devra sacrifier. Comme l'impôt ou l'emprunt d'État, elle est un moyen de financement, pas un moyen de satisfaire la demande.On prétend que l'inflation serait inévitable en temps de guerre. C'est aussi une erreur. Un accroissement de la quantité de monnaie ne crée pas le matériel de guerre — ni directement ni indirectement. On devrait plutôt dire, quand un gouvernement n'ose pas révéler au public la facture des dépenses de guerre et n'ose pas imposer les restrictions à la consommation qu'il ne peut éviter, qu'il préfèrera l'inflation aux deux autres méthodes de financement, à savoir les impôts et l'emprunt. De toute façon, il faut payer la guerre et le surcroît d'armes et les gens devront donc diminuer leur consommation d'autres biens. Mais il est politiquement opportun — même si c'est fondamentalement antidémocratique — de dire aux gens que la guerre et l'accroissement du nombre d'armes créeront les conditions d'un boom économique et augmenteront la richesse. En tous cas, l'inflation constitue une politique à courte vue.

De nombreux groupes voient l'inflation d'un bon oeil parce qu'elle fait du tort au créancier et vient en aide au débiteur. On pense que c'est là une mesure en faveur des pauvres et contre les riches. Il est surprenant de voir à quel point ces concepts traditionnels persistent même dans des conditions radicalement différentes. Il fut un temps où les riches étaient les créanciers, les pauvres étant pour la plupart des débiteurs. Mais à notre époque, avec les titres, les obligations, les caisses d'épargne, les assurances et la sécurité sociale, les choses ont bien changé. Les riches ont investi dans des usines, dans des magasins, dans l'immobilier et dans les actions ordinaires. Par conséquent ils sont plus souvent débiteurs que créanciers. Au même moment, les pauvres — à l'exception des agriculteurs — sont plus souvent créanciers que débiteurs. En poursuivant une politique défavorable au créanciers, on fait du tort à l'épargne des masses. On nuit particulièrement aux classes moyennes, aux professions libérales, aux fondations et aux universités. Même les bénéficiaires de la sécurité sociale sont victimes d'une politique s'attaquant aux créanciers.Il n'est pas nécessaire de parler en détail du contraire de l'inflation, à savoir de la déflation. Cette dernière n'est pas populaire pour la simple raison qu'elle favorise les intérêts des créanciers aux dépens des débiteurs. Aucun parti politique et aucun gouvernement n'a jamais essayé de faire une tentative volontairement déflationniste. L'impopularité de la déflation est clairement montrée par le fait que les inflationnistes parlent tout le temps des maux de la déflation afin de donner à leurs demandes d'inflation et d'accroissement du crédit des apparences de justification."


Ce texte date de 1940 et a été écrit par Ludwig Von Mises (29 septembre 1881 - 10 octobre 1973, économiste autrichien, auteur majeur de l'école autrichienne d'économie)

A méditer...