Des amis d’Antoine de Léocour interpellent le ministre de la Défense - Issues de secours

En dépit de la mort de Vincent Delory et d’Antoine de Léocour, la gestion par les autorités françaises de la prise d’otage au Niger bénéficie du soutien quasi unanime de la classe politique. Pourtant, les circonstances du décès des deux ressortissants français demeurent obscures. Au-delà, la part de la raison d’Etat et des intérêts sous-jacents dans la gestion de ces événements interpelle les acteurs de l’aide et membres de la société civile confrontés au risque d’enlèvement.
La lettre que nous reproduisons ici vient d’être adressée au ministre français de la Défense par des amis d’Antoine de Léocour. Parce qu’elle interroge la conduite des autorités et soulève un certain nombre de ces questions peu discutées au-delà de cercles restreints, nous avons décidé de la relayer sur ce blog, avec l’autorisation des auteurs.

FRANCE-NIGER : LETTRE OUVERTE
AU MINISTRE FRANÇAIS DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS


Poitiers, le 12 janvier 2011

Monsieur le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants,

Nous condamnons unanimement l’acte de barbarie qui nous prive aujourd’hui d’un ami cher.
Cependant, votre empressement à justifier l’intervention militaire qui a conduit à la mort d'Antoine de
Léocour et Vincent Delory nous a beaucoup surpris.

Réduire l'analyse de ce drame à un discours sécuritaire ne fait qu’alimenter grossièrement la presse à
sensations. Cela occulte totalement les enjeux globaux de la situation économique et politique que
traverse la zone sahélienne. Les épiphénomènes que nous vivons actuellement participent des
conséquences de politiques étrangères occidentales vis-à-vis de ces régions.

«Ne rien faire, c’est prendre un double risque». Vos déclarations nous amènent à nous interroger sur la mission de l’armée française: consiste-t-elle à abréger les souffrances de ses ressortissants (emmenés par les ravisseurs [...] et on sait ensuite comment ils sont traités) lorsque vous, M. Le Ministre de la Défense et M. Le Président de la République, Chef des Armées n'êtes pas en mesure d'envisager une autre solution, plus digne? Ou a-t-elle pour objectifs de démontrer —quel qu'en soit le prix— que la France est prête à entrer dans l'escalade de la violence au nom de son combat pour la démocratie et contre le terrorisme (ne rien faire, c’est donner un signal que la France finalement ne se bat plus contre le terrorisme)? Sachez qu'à nos yeux la raison d’Etat ne doit jamais l’emporter sur le respect de la vie des citoyens.

Nous sommes particulièrement indignés par le ton de vos propos et de ceux de la majorité de la
classe politique française dans un consensus national sans fausse note. Nous croyons comprendre
que la France, patrie des Droits de l’Homme, sacrifie ses ressortissants sur l’autel d’orientations
stratégiques occultes. Vous avez effectivement pris le parti de vous mettre à l’abri de tous moyens de
pression en excluant l’option des négociations.

Nous nous inquiétons également du traitement différencié réservé aux citoyens et victimes en fonction
de ce que leurs employeurs représentent pour les intérêts de la France.

En conclusion, si vous «assumez» si bien cette mission, sachez dire aux Français qu’elle est un échec
et prenez véritablement vos responsabilités en démissionnant. Si un tel courage vous manque, alors
ayez au moins la décence de laisser reposer en paix les âmes d’Antoine et de Vincent en stoppant
toute récupération politique de cet assassinat sordide.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.

Les amis de Master 2 d’Antoine de Léocour
Régis Belmonte
Amélie Benokba
Elodie Bordrie
Marielle Cartiaux
Marion Leriche
Marie Marchand


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