Le trading haute fréquence en chiffres


Bon résumé par Samuel Rondot, de la problématique du HFT (high frequency trading), qui est sans doute à l'origine du "Flash Krach" du 6 Mai de cette année.


Entre nous, le Flash Krach reste un bon souvenir pour moi, synonyme d'argent rapidement gagné, mais cela n'en reste pas moins le symptome d'un phénomène complètement délirant.


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Le trading haute fréquence en chiffres
par Samuel Rondot


Ca fait froid dans le dos...

Pas une journée sans qu’on ne puisse être les témoins de l’emballement de la machine HFT (high frequency trading).

Vous savez les HFT, ces dingos des ordres à la nano seconde à qui, début septembre, on a demandé de commencer à prouver qu’ils contrôlaient vraiment ce qu’ils faisaient et que leurs intentions (et capitaux) étaient parfaitement « cleans ».

Et bien je peux vous dire qu’il faudra bien plus qu’une note d’intention de l’association des brokers à ses membres pour les calmer.

C’est devenu tellement banal que j’ai décidé de m’intéresser uniquement aux plus graves d’entre elles.

Il y a 10 jours, c’est Nyse Euronext qui a semé un léger vent de panique à la clôture suite à un bug informatique. C’est pas du HFT, mais rappelez vous quand même que quand un ordre arrive sur le marché c’est à eux de le traiter.

Donc hier, voici un bel exemple de folie HFT.


Cela a eu lieu sur le tracker surnommé XLF qui réplique la performance des valeurs financières.

Moyenne des volumes quotidiens depuis 6 mois, excusez du peu, 89 millions de titres. A 14.5 dollars hier soir, ça nous donne la bagatelle de 1,290 milliards de dollars.

Chacun peut analyser ces informations au quotidien puisque Nanex, une société spécialisée dans l’agrégation et la distribution d’un flux boursier haute performance, fait cette analyse et la publie sur son site internet chaque jour.

Attention, il s’agit bien du nombre d’ordres qui arrivent sur le marché et non pas des cotations.

Rappelez vous qu’il a déjà été prouvé que sur les ordres HFT, moins de 1% seront exécutés.

Donc, hier sur le tracker XTF, entre 14h25 et 18 secondes et 14h27 et 20 secondes, une moyenne de 23000 ordres est arrivé chaque seconde sur le tracker pour un total de 2.8 millions d’ordres en à peine 2 minutes.

C’est 1 ordre tous les 0.000044 secondes.

J’ai cherché des phénomènes très rapides pour vous aider à faire une comparaison mais j’ai rien trouvé d’autre que la lumière.

La lumière voyage à la vitesse de 300 000km par seconde.

Et bien là, nous avons eu un ordre à chaque fois que la lumière a parcouru uniquement 13 km.

Si on parvient à relativiser, c’est tout bonnement hallucinant.

Mais bon, je sais, ma référence à la vitesse de la lumière ne parle pas du tout. J'ai donc continué à creuser la question et je suis tombé sur une image très sympa :

Si le père noël doit visiter chaque maison où il y a des enfants dans le monde en un seul jour, il doit faire environ une maison par millième de seconde.
Or là, on passe 13 ordres par millième. Donc le nombre d'ordres par seconde est équivalent à la visite du Père Noël à tous les enfants de la PLANETE en 10 heures....

Et une fois encore, je rappelle qu’on parle d’ordres et pas de volume !!!

Nanex va un cran au-delà dans son analyse de flux, puisqu’il confirme que ABSOLUMENT tout ces ordres sont arrivés sur le marché en première ligne sur le carnet.

Sauf que voilà, pendant ces 2 minutes, seulement 175 000 titres ont été échangés sur le marché (je n’ai pas le nombre de cotations).

2.8 millions d’ordres pour 175 000 titres échangés….

Je pourrais m’arrêter là dans cette belle démonstration mais la plupart d’entre vous se dirait : Et alors où est le problème ?

Concrètement il y a 2 problèmes majeurs :

1/ Le premier est technique :

L’infrastructure avec laquelle ont été construits les bourses et les logiciels utilisés ne vont pas tarder (si ce n’est déjà fait) à atteindre leur limite.

Or, que va t’il se passer quand les tuyaux seront trop engorgés pour prendre de nouveaux ordres ?

Et bien pour ceux qui étaient devant leur écran le 6 mai dernier, on a eu un premier aperçu : – 9.6% sur le Dow Jones en à peine 15 minutes. Les ordinateurs ont tous vu rouge au même moment et sans réflexion. Les HFT ont créé le premier crash HFT de l’ère des bourses modernes.

2/ Le deuxième est à mon sens encore plus grave :

Les cours de bourse sont censés refléter la réalité économique de l’entreprise, de l’économie et plus ou moins l’exagération due aux acteurs du monde boursier.

Sauf qu’aujourd’hui, il est admis que plus de 60% du volume quotidien des bourses américaines et plus de 38% du volume des bourses européennes sont faits par les HFT.

Or, quand un ordinateur parle à un ordinateur, il n’y a plus rien de rationnel.

Les ordres ne sont pas passés avec intention d’être exécutés. Les ordres sont passés avec intention de leurrer d’autres acteurs ou de prendre de vitesse d’autres comportements « classiques ».

Bilan, les cours de bourse ne veulent plus rien dire. Ils ne sont plus le reflet de la santé de quoique ce soit, mais de l’équilibre ou du déséquilibre de l’information que les ordinateurs appliquent avec force sur le marché.

Vous voyez où est le problème ?

Si ce n'est pas encore assez clair, imaginez, 9 séances consécutives comme celle du 6 mai … 9 x - 9.6% = GAME OVER.

Qui nous dit que les intentions des HFT sont toutes légitimes et louables ?

Qui nous dit que les auteurs des programmes comprennent ce que toutes les situations vont provoquer sur leurs programmes ?

Les autorités de tutelle fidèles à leurs habitudes enquêtent et rapportent. Il leur a fallu 5 mois pour conclure un rapport sur les évènements du 6 mai qui est déjà largement contesté et contredit par de nombreux spécialistes.

Et puis entre vous et moi, nous ne sommes déjà pas certains que l’auteur du programme sache exactement ce qui s’est passé. Alors comment les autorités, à l’autre bout de la lorgnette avec leurs moyens préhistoriques, pourraient révéler quoique ce soit ?

Et pourtant les solutions sont simples à mettre en œuvre.

Commençons d’abord par appliquer la loi : un ordre doit être passé avec la ferme intention d’être exécuté. C’est la loi sur toutes les bourses mondiales, faisons la respecter !

Deuxio, l’accès au marché doit être égal pour tout le monde, vous, moi et les spécialistes. Techniquement il ne doit pas être bien compliqué de mettre un filtre permettant de mettre tout le monde sur un pied d’égalité.

Tertio, généralisons les coupes circuits de quelques secondes pour toutes les situations invraisemblables. Ca n’a jamais fait de mal à personne de se rafraîchir les idées 30 secondes face à une situation critique, alors pourquoi ne pas imposer pas la même chose à un ordinateur ?

Samuel RONDOT
Directeur de www.bestcfd.com