Crise Financière pas de panique !

Charles Wyplosz analyse ainsi la crise actuelle dans l'article ci-dessous.

Il va sans dire que je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui... (j'expliquerai pourquoi à la suite de l'article).

Jeudi et Vendredi, les grandes banques centrales (Europe, Etats-Unis, Japon) ont injecté des milliards d’euro de liquidité dans le marché monétaire. Qu’est-ce que cela veut-dire? Sommes-nous au bord d’une crise financière de première grandeur, qui risque de plonger le monde dans la tourmente? Très probablement pas.

Depuis quelques mois, la grande correction du marché de l’immobilier américain est en cours. Dans l’euphorie d’une croissance qui aura duré 10 ans, les établissements financiers américains ont consenti des prêts immobiliers à des clients qui, d’habitude, sont considérés comme des "mauvais risques". Le prix des maisons s’est envolé au-delà du raisonnable alors que des milliers de ménage, ravis de pouvoir emprunter, s’engouffraient dans des achats qui, espéraient-ils, allaient les rendre riches.

Oui, mais voilà: quand les prix montent trop haut, ils doivent redescendre un jour. Et quand ils redescendent, ou même cessent de grimper, les ménages trop endettés et déçus de voir la bonne affaire s’évaporer, cessent de rembourser. Les établissements prêteurs saisissent les biens immobiliers pour les vendre aux enchères, ce qui pousse les prix à la baisse et enclenche une nouvelle vague de défauts de paiements. Et la roue tourne.
A chaque tour, les établissements prêteurs ne récupèrent qu’une partie de ce qu’ils ont prêté.

La normalisation tant attendue du marché de l’immobilier se devait de faire quelques dégâts. Quelques établissements spécialisés dans les prêts hypothécaires ont fait faillite, d’autres suivront. C’est normal et ce n’est pas vraiment grave. Même si les sommes en jeu sont considérables, ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des marchés d’aujourd’hui. Le problème est ailleurs.

Du marché de l' immobilier au marché monétaire

Les établissements prêteurs savaient bien qu’ils prenaient des risques. Ils ont donc cédé leurs portefeuilles de prêts risqués à d’autres établissements financiers, qui les ont repassés à des collègues, qui ont fait de même encore et encore. Quand John Smith ne rembourse plus son prêt hypothécaire, c’est une banque française, japonaise ou australienne qui engrange une perte. Du coup, on ne sait plus qui aujourd’hui détient les créances sur les emprunteurs américains déçus. Des centaines d’établissements ont absorbé ces dettes, qui paraissaient bien juteuses mais sont aujourd’hui impayées.

Du coup, la scène se déplace sur le marché monétaire. C’est un gros marché qui rassemble les très gros professionnels de la finance, grandes banques et sociétés d’assurance. Ces pros se prêtent chaque jour les uns les autres de très grosses sommes. Ils le font d’ordinaire sans se poser de questions: ils se connaissent bien et se font une confiance absolue. Tout a changé ces jours-ci. Certains d’entre eux ont sans doute acquis un peu trop de ces dettes aujourd’hui en souffrance, mais personne ne sait qui est dans cette situation. Alors la confiance disparaît et, par prudence, plus personne de prête à personne.

Depuis le début de la semaine, le marché monétaire s’est gelé, par méfiance réciproque. Or c’est sur ce marché que comptent les grands établissements pour financer chaque jour leurs opérations. On risque donc de se retrouver dans une situation où il n’y aura plus de crédit bancaire, ni pour les entreprises, ni pour les particuliers, ni même pour les gouvernements. Et sans crédit, la mécanique économique se bloque, et ça peut être très grave.

Tout dépend des nerfs des banquiers centraux

Ce n’est pas parce que les financiers s'affolent un peu vite que nous devons, nous aussi, paniquer. Les pertes dues à la crise de l’immobilier aux Etats-Unis et ailleurs (là aussi, la contagion peut s’étendre) peuvent parfaitement être absorbées, d’autant qu’on vu venir la crise. Les établissements qui détiennent ces prêts hypothécaires risqués –les fameux "subprimes"– le savent et, pour la plupart d’entre eux, ont mis de l’argent de côté, en se gardant bien de le claironner. Le problème, c’est la méfiance qui s’est installée. Alors, très sagement, les grandes banques centrales interviennent. Elles prêtent aux établissements financiers l’argent qu’ils ne trouvent plus sur le marché monétaire, pour leur permettre de continuer à faire leur travail de distributeurs de prêts.

Combien de temps cette situation peut-elle durer ? Il va falloir des mois pour que le marché immobilier se stabilise et que les pertes des établissements exposés sortent du bois. On peut s’attendre à des faillites, dont certaines retentissantes, qui vont périodiquement secouer les marchés. Tant que ces accès de fièvre restent circonscrits aux marchés financiers, la croissance que nous connaissons devrait se poursuivre. Mais il y a des risques. D’abord, les banques centrales auront-elles les nerfs assez solides pour continuer à injecter de la liquidité comme elles viennent de le faire? En principe, elles ne devraient pas fléchir, mais certains analystes vont bientôt crier au loup et dénoncer ces interventions comme inflationnistes.

Ils se tromperont, ce qui ne signifie pas qu’ils ne seront pas entendus. Et puis, surtout, il y a les ménages et les entreprises. Si ces nouvelles un peu ésotériques les troublent, ils pourraient bien se mettre à épargner plus, ce qui casserait la croissance et ferait repartir le chômage à la hausse. Ce serait vraiment triste.

Le gros problème dans cette analyse c'est que notre ami ne mentionne pas du tout les risques inflationniste des mesures attendues des banques centrales.
Pour l'instant on n'en parle pas, mais inévitablement ces liquidités se retrouveront en circulation et vont finir par faire monter les prix des biens de consommations courantes.
Ce n'est pas vraiment ce qui va faire remonter la confiance des ménages.

Cela dit, il n'y a pas à s'inquiéter sur le "sang froid" des banquiers centraux, ils n'hésiteront jamais à faire ce qu'ils savent si bien faire, c'est à dire gonfler la masse monétaire. Aux Etats-Unis, mais également en Europe, les voix qui s'élèvent en faveur d'un durcissement monétaires sont extrêmement minoritaires.

Par contre les epargnants et les consommateurs vont payer les pots cassés, pour sauver les pauvres banques et les fonds surendettés. Eh oui, c'est aussi ça l'injection de liquidités Mr Wyplosz.