Editorial
Plus que jamais, dans le contexte actuel des marchés, il va falloir distinguer le fondamental de l'anecdotique dans les informations qui font la une et démêler le vrai du faux dans les déclarations officielles.
Pour ce qui est des informations, il y a beaucoup de contradictions apparentes, puisqu'on a à la fois des nouvelles de type inflationnistes (hausse du pétrole et des matières premières) et des développements de type déflationnistes (activité économique en berne, menaces de faillites)
Mais finalement, ce sont les déclarations officielles qui nous aident à y voir plus clair, grâce à la permanence de leur mauvaise foi.
En résumé:si ils vous disent qu'ils vont faire quelque chose, vous pouvez être sûr qu'ils feront le contraire.
Premier exemple : le "dollar fort". Les secrétaires du trésor US ont affirmé depuis des années qu'ils étaient en faveur d'un dollar fort, alors qu'il désirait justement le contraire.
Deuxième exemple : le pétrole. La hausse d'après les officiels serait temporaire et non fondée. Elle serait uniquement causée par la spéculation et/ou la forte croissance économique. Il suffirait de faire pression sur l'Arabie Saoudite pour augmenter la production et faire baisser les prix. C'est évidemment faux. Les leaders américains savent bien que la hausse du pétrole est due en grande partie au premier mensonge ci dessus : c'est à dire un dollar non pas fort mais faible.
Troisième exemple (français celui-là) : le pouvoir d'achat. Nicolas Sarkozy prétend se battre pour le pouvoir d'achat. La vérité est bien évidemment contraire puisqu'il plaide dans le même temps pour une politique monétaire laxiste (sus à Trichet et la BCE qui ont le toupet de monter les taux !) qui engendrerait davantage d'inflation et donc une baisse du pouvoir d'achat, puisque les prix augmentent alors que les salaires n'augmentent pas. Soyons clair : Nicolas Sarkozy se bat d'abord pour le pouvoir d'achat de ses amis (TF1 et Martin Bouygues en tête) et bien sûr pour le sien propre, puisque son avenir financier après l'Elysée est sans doute déjà assuré.
Cela peut paraitre une déclaration polémique, mais quel investisseur objectif et lucide prétendra le contraire ?
Quatrième exemple : L'inflation bien sûr ! Après avoir royalement ignoré ce mot du temps de la bulle internet puis de la bulle immobilière, les autorités déclarent maintenant être très "préoccupés" par l'inflation. BCE en tête biensûr , mais également la FED. Or dans le même temps ces banques centrales se sont précipité pour offrir des lignes de crédit aux banques en difficulté, alimentant de nouvelles hausses des matières premières, y compris les produits alimentaire
Dernière exemple : la hausse des produits alimentaires justement. Les autorités se disent extrêmement préoccupées par la hausse de ces produits alimentaires qui plongent dans la quasi famine les plus pauvres des pays du Tiers Monde. Mais dans le même temps ils subventionnent le bio-ethanol (avec des prétextes écologiques) au profit des lobbys agro-industriels, et innondent le secteur financier de liquidités qui atterissent, (devinez où ?) dans les matières premières et causent des prix élevés.
Pour tous ces exemples (Dollar, Pétrole, pouvoir d'achat, inflation, alimentation) qui sont bien évidemment liés entre eux par le dénominateur commun de la politique monétaire, il est essentiel pour les gouvernants de "gérer" l'opinion publique et le sentiment des investisseurs.
Une politique monétaire accommodante ne fonctionne que si "la confiance" est maintenue.
Or les gouvernements sont en train de perdre la confiance des consommateurs comme des investisseurs qui votent maintenant avec leurs pieds.
Un économiste a dit un jour que si l'opinion comprenait comment fonctionne la politique monétaire, il y aurait des émeutes dans la rue.
Nous n'en sommes pas encore au stade des émeutes dans les pays "développés" puisque celles-ci ont été circonscrites aux population qui ont à peine de quoi manger (Haiti, Mexique, Nigeria...).
Les occidentaux quant à eux sont maintenus dans une bulle de divertissements et de propagande qui leur fait oublier leurs petits soucis financiers.
La majorité des occidentaux (Etats-Unis en tête) font encore partie des nantis et leurs seules pertes sont pour l'instant des plus value virtuelles qui s'évaporent.
Mais que valent en effet aujourd'hui en termes réels les plus-values boursières et immobilières des années précédentes ?
Les niveaux des prix ainsi que la confiance des ménages sont aujourd'hui maintenus à bout de bras, à coup de déclaration d'intentions et d'injections de liquidités.
Mais c'est bien entendu au prix d'une inflation croissante.
Désormais, on ne peut plus avoir de stimulation sans inflation, c'est impossible. La croissance économique des Etats-Unis de ces 7 dernières années a été en grande partie une bulle dépourvue de substance et on ne peut plus la maintenir sans injection de liquidités.
Pour autant, je ne pense pas que l'on aura un éffondrement économique, une "dépression", une déflation. Le système moderne ne le permettra pas, et possède tous les outils (infrastructure financière opaque, manipulation des media, relance budgétaire à coup de déficit) pour l'éviter.
Je prévois juste davantage de la même médecine en suivant une séquence maintenant habituelle : des mauvaise nouvelles sur le front financier (d'abord le subprime, puis les Alt A, et finalement les "primes"), des injections de liquidités, davantage de déficit et d'inflation, une confiance ébranlée, de nouvelles dépréciations d'actifs et on recommence...
Il faudra attendre une inflation statistiquement reconnue à au moins deux chiffres aux Etats-Unis pour que les autorités soient obligés de s'y attaquer réellement.
Entre temps le dollar ne sera plus que l'ombre de lui-même et ne sera plus la monnaie de référence mondiale.
Les réserves des banques centrales mondiales quant à elles seront constituées d'un mix d'euros, de yuans, de yens et biensûr d'or.
J'entrevois sérieusement un destin pour les Etats-Unis proche de celui du Brésil ou de l'Argentine à l'époque des crises monétaires.
Seule différence des Etats-Unis par rapport à l'Argentine ou le Brésil : une capacité de nuisance militaire qui les poussera à de nouvelles aventures pour faire diversion. C'est pourquoi l'Iran est actuellement un candidat idéal au rôle d'épouvantail, qui leur permettra au moment voulu, de réaffirmer leur suprématie gravement entamée. (*) Mais ce serait malheureusement un coup de poker extrêmement risqué pour toutes les parties impliquées, et dont les Etats-Unis ne sortiraient pas forcément gagnants.
En attendant restez extrêmement sceptique par rapport à ce qu'on vous racontera dans les prochains mois. La prudence est de mise en matière financière, et la conservation du capital devra être votre priorité.
Bonne soirée et bon courage
Alex Kerala
(*) à cet égard, lisez le dernier article de Seymour Hersh dans "The New Yorker" sur la politique américaine vis à vis de l'Iran : c'est assez effrayant car ce journaliste qui est très bien informé n'a pas l'habitude de raconter des histoires.