Voici selon moi, le graphique qu'il faut absolument assimiler pour déterminer si c'est le bon moment d'acheter des actions pour les 10 années à venir. (Pourquoi un horizon aussi long me direz-vous ? Parce que l'investissement passif est souvent la meilleure stratégie pour 90% des investisseurs, à moins d'être très très bon en trading)
Ce graphique est à jour à fin Septembre 2020 et il est issu d'un article de l'excellent site Advisor Perspectives et présente à la fois l'indice S&P (en termes réel) depuis 1871, (que j'ai déjà présenté sur ce blog)
...et en dessous, le plus important, le ratio de PE/10 (c'est à dire le ratio PER (Price Earning Ratio) ,avec la moyenne des earnings prise sur 10 ans.
(Même si vous n'investissez pas sur les actions US, mais plutôt sur les actions françaises, qui n'ont pas les mêmes ratio, j'insisterais sur la pertinence d'analyser les marchés US, puisque ce sont eux qui donnent la direction générale des indices européens. )
Voici mon analyse sur cette courbe...
Déjà, pour couper court au suspense, la réponse à la question "Est-ce que les Actions sont "Bon Marché" ? " est "Non. Mais...".
Non , le marché actions (US) n'est pas bon marché, il est même plutôt cher, historiquement parlant (dans le quartile le plus élevé) , MAIS sans être encore au même niveau extrême que l'an 2000.
A partir de ce constat, j'en déduis 2 scenarii possibles pour les 10 années à venir, qui sont reliés à mon avis, à l'éternel débat Inflation vs Déflation, et aussi à la grande question presque existentielle pour les marchés, du pouvoir de la FED...(j'y reviendrai)
Scenario 1 : on continue sur la lancée des 10 dernières années pour atteindre les extrêmes de valorisation de l'an 2000. On passerait donc d'un PE/10 moyen de 31,1 aujourd'hui , à un PE/10 de 44.
Cela permettrait aux indices de connaitre une nouvelle décennie de hausse, tout comme la décennie de hausse des années 80 a été suivie de la décennie de hausse des années 1990.
Cependant, cela nécessiterait que l'exception devienne la règle puisque 1980-2000 est la seule fois historiquement où ce phénomène s'est produit. C'était en outre dans un contexte historique de désinflation. On pourrait dire que l'inflation des prix qui a connu son pic au début des années 80, a été transformée en inflation du prix des actifs durant cette période. Appelons ce scenario 1.a
Le marché haussier de 1950-1969 quant à lui a certes été presque aussi long (les meilleures années boursières de l'après-guerre, au milieu des fameuses années que l'on nomme "trente glorieuses" en France), mais n'a pas montré les mêmes extrêmes de valorisation puisque ce marché haussier a plafonné à 24,1 alors que nous sommes à 31,1 Appelons ce scenario 1.b mais je l'exclus à priori pour cette raison
Quant aux autres marchés haussiers, ils n'ont jamais dépassé 10 ans. Si l'on suit cette analogie, nous sommes donc à la fin d'une période de survalorisation et au début d'une période inverse, ce qui nous amène au scenario 2.
Scenario 2 : On revient vers la moyenne des ratios P/E, de façon plus ou moins rapide, mais cela impliquerait dans tous les cas une baisse significative du rendement des actions qui devrait inciter à rechercher des alternatives (Cash, Or, Obligations, etc...) et/ou à jouer la baisse (en shortant les rebonds par exemple).
Cela signifierait par exemple :
- un scenario similaire à la période 2000-2009 (deux krachs retentissants, séparé par une période de hausse relative entre 2003 et 2007) , appelons ce scenario 2.a,
- ou bien 1965-1982 (fin des trente glorieuses, fin de la convertibilité du dollar en or, choc pétrolier, montée de l'inflation) appelons le scenario 2.b
- ou bien encore 1929-1932 (qui est le plus court, mais aussi le plus connu de ces épisodes, en raison de la crise des années 30 et la guerre mondiale qui a suivi). Appelons ce dernier scenario 2.c
Entre ces différents scenarii, c'est finalement la durée du retour à la moyenne qui diffère (entre 17, 9 ans ou 3 ans)
Maintenant la question est : quel scenario avez-vous en tête ?
Je sens bien que les Bulls (haussiers) ont en mémoire, pour les plus jeunes, la dernière décennie, et pensent par biais cognitif, que cela va continuer et qu'il faut acheter les replis ("Buy the Dip"). Ou bien, pour les plus agés, ils se souviennent des années 90 et argumentent sur le fait que même si le marché est cher, il peut le devenir encore plus (comme en 2000) . Pour ces deux points de vue, cela correspond à anticiper un scenario 1.a, mais qui a constitué l'exception plutôt que la règle jusqu'à présent
Pour ma part, je dirais , à priori, que le scenario 2.b (analogie avec 1965-1982) est celui qui me semble le plus proche de notre situation actuelle.
J'ai aussi mentionné quelque fois un scenario du genre 1929-1932, scenario 2.c avec une rechute brutale après un rebond inital de 5 mois. Ce n'est évidemment pas le plus probable, car les banques centrales sont obsédées par la précédent des années 30 et feraient tout, absolument tout pour l'éviter. Cependant, on ne peut totalement l'exclure, en cas de perte de contrôle de la Fed.
En fait, quelque soit la variante envisagée (2.a , 2.b ou 2.c) , et qui dépendra en grande partie de l'attitude de la Fed et si elle choisit le dérapage inflationniste ou bien reste impuissante face aux forces déflationnistes, je reste persuadé que nous sommes plutôt dans un scenario 2 plutôt que dans un scenario 1.
Car, en termes de valorisation, nous sommes beaucoup plus proche de 2000 que de 2009, même je lis parfois le contraire de la part de "Perma-Bulls"
D'autre part , en terme historiques et géopolitiques, nous sommes plus prêts de 1965 (guerre froide, conflits intergénérationnels et mouvement pour les droits civiques) que de 1990 (fin de la guerre froide, détente généralisée, augmentation des échanges, ouverture de la Chine, arrivée d'Internet)
Il est donc probable que nous soyons au début d'un nouveau cycle (depuis 2019 environ, puisque cela a commencé avant la COVID-19), plutôt que dans le prolongement du cycle précédent depuis 2009.
Même si les achats à bon compte ont été payants sur les 5 derniers mois, je ne pense pas qu'il soit prudent ou pertinent d'être lourdement investi en actions uniquement. La stratégie indicielle d'achats réguliers "Long only" n'est sans doute pas la bonne pour les 10 années à venir.
Il faudra être beaucoup plus agile et diversifié et envisager une stratégie qui joue l'inflation ou la déflation à différents moments et qui est capable de suivre les tendances dans les deux sens (haussière ou baissière).
Il ne suffira pas, malheureusement, d'acheter des actions systématiquement et de croiser les doigts...
Par ailleurs une dernière remarque. Concernant l'analyse fondamentale ("Value investing") qui peut parfois donner de bons résultats sur des périodes propices, l'analyse et la courbe ci-dessus montrent que les PER moyens peuvent varier considérablement sur des longues périodes.
Il ne faut donc pas négliger les méthodes de suivi de tendance et ne pas s'obstiner sur la notion de valeur, en espérant des gains à long terme...
Comme disait Keynes, "A long terme nous serons tous morts"
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Pour plus de contexte sur la méthodologie de calcul du P/E 10, voici l'article en intégralité :
Is the Stock Market Cheap?
by Jill Mislinski, 9/3/20
Here is the latest update of a popular market valuation method using the most recent Standard & Poor's "as reported" earnings and earnings estimates and the index monthly average of daily closes for the past month. For the earnings, see the table below created from Standard & Poor's latest earnings spreadsheet.
TTM P/E ratio = 35.5
P/E10 ratio = 31.1
The Valuation Thesis
A standard way to investigate market valuation is to study the historic Price-to-Earnings (P/E) ratio using reported earnings for the trailing twelve months (TTM). Proponents of this approach ignore forward estimates because they are often based on wishful thinking, erroneous assumptions, and analyst bias.
TTM P/E Ratio
The "price" part of the P/E calculation is available in real time on TV and the Internet. The "earnings" part, however, is more difficult to find. The authoritative source is the Standard & Poor's website, where the latest numbers are posted on the earnings page.
The table here shows the TTM earnings based on "as reported" earnings and a combination of "as reported" earnings and Standard & Poor's estimates for "as reported" earnings for the next few quarters. The values for the months between are linear interpolations from the quarterly numbers.
The average P/E ratio since the 1870's has been about 16.8. But the disconnect between price and TTM earnings during much of 2009 was so extreme that the P/E ratio was in triple digits — as high as the 120s — in the Spring of 2009. In 1999, a few months before the top of the Tech Bubble, the conventional P/E ratio hit 34. It peaked close to 47 two years after the market topped out.
As these examples illustrate, in times of critical importance, the conventional P/E ratio often lags the index to the point of being useless as a value indicator. "Why the lag?" you may wonder. "How can the P/E be at a record high after the price has fallen so far?" The explanation is simple. Earnings fell faster than price. In fact, the negative earnings of 2008 Q4 (-$23.25) is something that had never happened before in the history of the S&P 500.
Let's look at a chart to illustrate the unsuitability of the TTM P/E as a consistent indicator of market valuation.
The P/E10 Ratio
Legendary economist and value investor Benjamin Graham noticed the same bizarre P/E behavior during the Roaring Twenties and subsequent market crash. Graham collaborated with David Dodd to devise a more accurate way to calculate the market's value, which they discussed in their 1934 classic book, Security Analysis. They attributed the illogical P/E ratios to temporary and sometimes extreme fluctuations in the business cycle. Their solution was to divide the price by a multi-year average of earnings and suggested 5, 7 or 10-years. Yale professor and Nobel laureate Robert Shiller, the author of Irrational Exuberance, has popularized the concept to a wider audience of investors and has selected the 10-year average of "real" (inflation-adjusted) earnings as the denominator. Shiller refers to this ratio as the Cyclically Adjusted Price Earnings Ratio, abbreviated as CAPE, or the more precise P/E10, which is our preferred abbreviation.
The Correlation between Stocks and Their P/E10
As the chart below illustrates, the P/E10 closely tracks the real (inflation-adjusted) price of the S&P Composite. In fact, the detrended correlation between the two since 1881, the year when the first decade of average earnings is available, is 0.9977. (Note: A perfect positive correlation would be 1 and the absence of correlation would be 0).
The historic P/E10 average is 17.1. After dropping to 13.3 in March 2009, the ratio rebounded to a high of 23.5 in February of 2011 and then hovered in the 20-to-21 range. It began rising again in late 2013, peaking at 33.3 in 2018 and is currently at 31/1.
Of course, the historic P/E10 has never flat-lined on the average. On the contrary, over the long haul it swings dramatically between the over- and under-valued ranges. If we look at the major peaks and troughs in the P/E10, we see that the high during the Tech Bubble was the all-time high above 44 in December 1999. The 1929 high of 32.6 comes in at a distant second. The secular bottoms in 1921, 1932, 1942 and 1982 saw P/E10 ratios in the single digits.
The chart also includes a regression trendline through the P/E10 ratio for the edification of anyone who believes the price-earnings ratio has naturally tended higher over time as markets evolve. The latest ratio is 53% above trend, up from 45% above last month.
Where does the current valuation put us?
For a more precise view of how today's P/E10 relates to the past, our chart includes horizontal bands to divide the monthly valuations into quintiles — five groups, each with 20% of the total. Ratios in the top 20% suggest a highly overvalued market, the bottom 20% a highly undervalued market. What can we learn from this analysis? The Financial Crisis of 2008 triggered an accelerated decline toward value territory, with the ratio dropping to the upper second quintile (from the bottom) in March 2009. The price rebound since the 2009 low pushed the ratio back into the top quintile, hovered around that boundary and has now moved higher.
A cautionary observation is that when the P/E10 has fallen from the top to the second quintile, it has eventually declined to the lowest quintile and bottomed in single digits. Based on the latest 10-year earnings average, to reach a P/E10 in the high single digits would require an S&P 500 price decline below 1050. Of course, a happier alternative would be for corporate earnings to continue their strong and prolonged surge. If the 2009 trough was not a P/E10 bottom, when might we see it occur? These secular declines have ranged in length from over 19 years to as few as three.
Percentile Analysis
We can also use a percentile analysis to put today's market valuation in the historical context. As the chart below illustrates, latest P/E10 ratio is approximately at about the 96th percentile of this series.
Deviation from the Mean
Here is a pair of charts illustrating the historic P/E 10 ratio from its mean (average) and geometric mean with callouts for peaks and troughs along with the latest values.
Relative to the mean, the market remains quite expensive, with the ratio approximately 82% above its arithmetic mean and 97% above its geometric mean.
The Longest Bull Market
March 2009 marked the beginning of the longest secular bull market in history if we use conventional measures (failure of a 20%+ decline following a similar gain). It was over 10 years since the Lehman Brothers crisis and the market finally corrected into bull territory after 405 new market highs in March 2020 due to the COVID-19 global pandemic. Check out this infographic from FINRA on the longest bull markets (not yet updated to reflect recent events).
Additional Notes
What Are the Impacts of Low-Interest Rates and Inflation on Market Valuations?
For more on this topic, see our monthly update:
Market Valuation, Inflation, and Treasury Yields: Clues from the Past
Wouldn't Valuations Be Much Lower If We Exclude the Financial Crisis Earnings Crash?
This is an often asked question, the assumption being that the unprecedented negative earnings of the Financial Crisis skewed the P/E10 substantially higher than would otherwise have been the case. While that may seem a reasonable assumption, a simple experiment shows that the earnings plunge did not dramatically impact the ratio. Let's assume that the December 2007 TTM earnings of 66.18 remained constant for the next 29 months, totally eliminate the collapse in earnings of the Great Recession. What impact does this have on the P/E 10? The mean (average) only drops from 16.6 to 16.5. The lower bound of the top quintile drops from 21.2 to 20.8.
Where Can I Find the Latest Earnings Data for the S&P 500?
Follow these steps to access the Standard & Poor's earnings spreadsheet:
Go to the S&P 500 page on the S&P Dow Jones Indices website. Here is a: direct link to the page.
Click the "ADDITIONAL INFO" button in the left column.
Click the Index Earnings link to download the Excel file. Once you've downloaded the spreadsheet, scroll down to the "As Reported Earnings" data in column L.
Exactly What Is the S&P Composite index?
For readers unfamiliar with the index, see this article for some background information.